"On a gavé les oies" par Léna Bokobza-Brunet : Mes amis, mes amours, mes emmerdes

À voir si : vous avez le cœur léger et tourmenté

Du 29 août au 1er septembre 2019
aux Estivales d’Art & Cendres à Vendegies-sur-Écaillon

© Fanny Cortade

© Fanny Cortade


“Pour le moment quand je me réveille, j’ai juste l’impression que rien n’existe. Et d’un coup j’ai la première pensée qui arrive, et ça me bute : “Putain, maman est morte”.
Oui je sais. Mais je te promets, y’a un matin, où ta première pensée redeviendra : “Putain, j’ai la dalle.” “

On a gavé les oies, Léna Bokobza-Brunet


Dans une pièce douce-amère, le Collectif Mirari met en scène la jeunesse d’aujourd’hui en proie à la nostalgie un soir de fête universelle. Ou l’histoire d’une bande de potes un peu lonely qui fait le bilan de sa vie à Noël…

La table est dressée, les loupiotes allumées, le sapin décoré. Mais les invités ne sont pas encore arrivés. Lila et Félix passe en revue le repas, passablement stressés d’avoir pu oublier les toasts pour le foie gras ou toutes autres traditions immuables de la table de Noël. Pourquoi ce stress latent ? Un certain Matteo semble être le principal problème…

Avec le Collectif Mirari, on sent que c’est le théâtre d’une génération qui se livre, le tout dans une esthétique tendance et quasi cinématographique.
— Apartés

Friends & flashbacks : un diner de Noël existentiel



C’est en restant fidèle à ses mises en scène festives et nostalgiques que Léna Bokobza-Brunet a dirigé cette nouvelle création collective du Collectif Mirari, ce même vivier d’artistes qui a présenté le joyeusement survolté “Platolove” au Festival d’Avignon. Six amis se retrouvent le 24 décembre au soir pour réveillonner ensemble. Mais le goût est amer, déjà. Tous sont ici faute d’être ailleurs. La mère de Lila est partie en voyage avec son nouveau mec, Célia a rappliqué après que sa famille a annulé, Nino ne parle plus à ses parents, Louise sort tout juste du travail et n’a pas le temps d’aller voir sa maman, Félix, lui, est là pour soutenir. Et Matteo vient tout juste de perdre sa mère… L’objectif ? Faire passer le meilleur moment possible au pote tout juste endeuillé. L’alcool aidant, les souvenirs drôles, ridicules puis plus émouvants se succèdent autour de cette table de Noël prétexte. Se tissent alors petit à petit au fil de ces mini-récits à la chronologie déconstruite les interrelations entre chacun des personnages et leur histoire de famille respective : les amours vaines, la violence d’une mère, l’homosexualité piétinée par une autre mère, la perte d’un père… Monté en collectif à partir d’improvisations et de souvenirs intimes de l’équipe, la pièce “On a gavé les oies” est une belle expérience scénique à la manière d’un épisode de série du genre, Friends ou How I Met Your Mother. S’il nous aura manqué une intrigue ou une chute plus forte à ce spectacle, on aime ce patchwork de souvenirs à la patte vintage, cette machine à remonter le temps que nous utilisons tous très souvent lors des grandes fêtes familiales.

Une troupe pop à l’esthétique vintage

« Ce collectif est pour nous le moyen de faire du théâtre une fête, un éloge permanent que nous symbolisons par un banquet célébrant la fougue, la rage, les moments d’ennuis et de folies intrinsèques à la jeunesse. » C’est le Collectif Mirari lui-même qui explique le mieux l’essence de ses créations et “On a gavé les oies” ne fait pas exception à cette règle. Comme avec “Platolove”, la fête est au rendez-vous teintée - jeunesse oblige - d’angoisses existentielles. La musique est d’ailleurs un ingrédient majeur de la sauce théâtrale Mirari et nous transporte dans un kitsch adoré : I'm blue da ba dee da ba daa… Qui n’a pas fredonné ce tube en l’an 2000 ? La boum, passage obligé de tout adolescent qui se respecte, se danse sur “Dernière Danse” de Kyo - évident - et le jeu tendance des teenagers n’est autre que le Twister. Amour pour ce pull de Noël tellement approprié porté par Matteo ! Bref, avec le Collectif Mirari (créé en 2016 au Cours Florent et notamment distingué dans le cadre du Festival Court mais pas Vite du Théâtre des Déchargeurs pour son spectacle Le goût du sang dans la bouche en 2019), on sent que c’est le théâtre d’une génération qui se livre, le tout dans une esthétique tendance et quasi cinématographique, une belle marque de fabrique. Des plans vidéos viennent d’ailleurs clôturer ce conte de Noël doux-amer dans une ambiance “Mes amis, mes amours, mes emmerdes”…

Claire Bonnot

"On a gavé les oies", une création collective du Collectif Mirari dirigé par Léna Bokobza-Brunet avec Nicholas Bochatay, Léna Bokobza-Brunet, Matthieu Carle, François de Gregorio, Lou Guyot et Alessia Paris

Durée : 1h environ