"Albatros" de Fabrice Melquiot par la Compagnie Grabuge : le Génie de l'huile de coude fait bel et bien des miracles

À voir si : vous avez le cœur léger et passionné

Du 29 août au 1er septembre 2019
aux Estivales d’Art & Cendres à Vendegies-sur-Écaillon

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“À quoi ça sert de continuer de rêver quand on sait que de toute façon c’est qu’un rêve ?”

“Il faut voir ce qu’il y a au bout du rêve”

Albatros, Fabrice Melquiot


S’emparant avec tendresse et une extraordinaire loufoquerie de l’une des pièces jeunesse de Fabrice Melquiot, la Compagnie Grabuge convoque tous les ingrédients du conte initiatique sur scène, autant merveilleux que dramatique. Un enchantement !

Il n’y a rien qui puisse faire rêver sur scène. Trois palettes de bois et deux gosses désœuvrés. Ils sont postés à un carrefour, au pied d’un immeuble à la façade taguée et ils regardent passer les voitures. Ils font l’école buissonnière…

Cette pièce mise en scène par Chloé Destuynder et Tom Le Pottier est une perle et un diamant brut à la fois. Et ses acteurs, des petits bijoux. Une fois la pièce commencée, on retombe difficilement au sol et c’est tant mieux…
— Apartés

Loufoquerie et poésie pour un moment suspendu



À y regarder de plus près, tout appelle à s’étonner et à s’émerveiller. La gosse pourrait sortir tout droit d’un film délirant de Wes Anderson avec sa salopette rouge vif et son masque d’aviateur. En plus, elle s’appelle “Tite Pièce” (géniale Chloé Destuynder). Le gamin est un grand gringalet habillé en footballeur du dimanche et son truc à lui, c’est sa casquette. Elle a une ailette qui peut tourner au-dessus. Ça lui donne une consistance et, bizarrement, ça l’empêche d’être ridicule. Lui, il s’appelle Casper. Tiens, comme le fantôme ? (très attendrissant Tom Le Pottier). Ils discutent de choses et d’autres et en viennent à raconter aux spectateurs leur première rencontre. Ils se sont reconnus dans leurs coups et blessures, la mère pour elle, le père pour lui. Depuis, ils ne se quittent plus et refont le monde sur ces escaliers en bord de route. Elle économise pour avoir une cave, lui voudrait « devenir quelqu’un ». Un jour, le garçon se frotte le coude et le Génie de l’huile de coude (immaculé Hugo Garcia) apparaît. Il lui confie une mission : sauver sept personnes car la fin du monde est dans trois jours. Hourra ! Enfin de quoi « devenir quelqu’un ». Mais le petit va s’interroger sur qui sauver pour préserver l’humanité ? Il y a bien cet homme seul sur le banc, un grand sentimental qui a couvé un pigeon comme la prunelle de ses yeux, mais ce dernier lui conseille de trouver des « grands hommes » (Martin Cuvillier est absolument génial). Doit-il sauver son père qui l’effraie ? La mère de Tite Pièce ? La Compagnie Grabuge parvient, par petites touches scénographiques merveilleuses, loufoques et poétiques, à porter ce texte si sensible et si juste sur la possibilité d’une vie plus belle. Les scènes de “l’Homme qui n’a plus rien” sont extraordinaires : il est là sur un banc, simplement éclairé par un réverbère, et il attend son pigeon adoré, plongé entre l’espoir et le désespoir, hilarant et profondément attendrissant. Quand Casper établit des plans sur la comète avec Tite Pièce pour sauver le monde, les voilà perchés sur le lit de celle-ci, transformé en petit navire, tiré par l’ordonnateur de tout ce grabuge exaltant, le Génie de l’huile de coude. Cet univers fantasque et irréel nous emporte très loin et nous déployons nos ailes tel l’Albatros décrit par ces personnages en quête d’une autre vie.

Des acteurs magnifiques qui nous emportent dans un autre monde

Dans ce rêve éveillé imaginé par le génial Fabrice Melquiot en 2004, la réalité est partout et le “happy end” banni. Et pourtant. Ce que ce texte fantastique propose, c’est bien de montrer que dans la vie la moins magique qui soit, peut se glisser un génie, un miracle, une grande humanité (surtout quand c’est envers un pigeon), un amour inattendu. Cette foi en la vie, cette envie de beau, cette urgence de tendresse, c’est ce que nous livre, avec un dévouement total et certaines scènes absolument hilarantes, les six acteurs de la Compagnie Grabuge. Cette pièce mise en scène par Chloé Destuynder et Tom Le Pottier est une perle et un diamant brut à la fois. Et ses acteurs, des petits bijoux. Une fois la pièce commencée, on retombe difficilement au sol et c’est tant mieux…

Claire Bonnot

"Albatros" de Fabrice Melquiot par la Compagnie Grabuge avec Chloé Destuynder, Tom Le Pottier, Alix Corre, Hugo Garcia, Jonas Connan et Martin Cuvillier

Durée :