"Lewis versus Alice" de Macha Makeïeff d'après Lewis Carroll : mais où est passé le Lapin Blanc ?

À voir si : vous avez le cœur léger

Du 14 au 22 juillet 2019
au Festival IN d’Avignon
à La Fabrica

Reprise du 27 septembre au 13 octobre 2019
au Théâtre Gérard Philippe, Saint-Denis

© Christophe Raynaud De Lage / Festival d'Avignon

© Christophe Raynaud De Lage / Festival d'Avignon


“Je n’aimerais pas appartenir au rêve d’un autre”

Alice dans “Lewis versus Alice” de Macha Makeïeff d’après Lewis Carroll


Promettant une fantastique immersion dans le monde surnaturel d’Alice au pays des merveilles et de son étrange auteur, Lewis Carroll, Macha Makeïeff peine à donner du souffle à une mise en scène purement esthétique. Une expérience déroutante qui nous laisse malheureusement en-dehors de ce pays imaginaire.

Dans un décor fouillé aux mille et un détails - dispositions chères à Macha Makeïeff, qui signe les très beaux décors et costumes - la Reine, le Lapin Blanc et Alice (qui, parfois, se dédouble) font leur apparition. Il y a aussi cet homme aux cheveux blancs, très grand, l’air hagard, qui se fond, comme perdu, dans chacun des tableaux. Ce vieillard saugrenu n’est autre que le créateur de ce rêve éveillé, Lewis Carroll himself.

Faute d’être touché à l’âme, nous sommes débarqués bien vite de ce royaume de la bizarrerie et restons au bord de ce monde qui s’apparente plutôt à une grande exposition esthétique.
— Apartés

Une mise en scène fantasque mais malheureusement sans âme



Alice vient prendre le thé des fous avec le Chapelier et le Lièvre, rencontre une chenille questionneuse au cou ondoyant, croise une Reine effrayante, berce un petit bébé-porc… En miroir, un vieil homme so british (très émouvant Geoffrey Carey à la fragilité parfaitement excentrique) s’invite à prendre le thé ainsi qu’à son propre enterrement, et croise, sans s’effrayer, son double plus jeune et encore plus extravagant (Geoffroy Rondeau est parfait dans le rôle). Dans un joyeux chambardement accompagné de chants pop gothique incantés par la Reine (sacrée présence de Rosemary Standley, chanteuse du groupe Moriarty), Alice habillée façon Demoiselles de Rochefort (excellente comédienne que Vanessa Fonte) s’interroge sur elle-même et se découvre possiblement folle selon les dires de ce bizarre chat du Cheshire. On ressent effectivement, au travers de la succession de ces tableaux délirants, tout le nonsense cher à Lewis Carroll mais quelle en est la lecture de Macha Makeïeff ? La metteuse en scène nous fait bel et bien tomber dans un trou de terrier mais pour aller où ? L’enchaînement décousu des scènes du conte mélangé à des passages de la vie de Lewis Carroll offre un ensemble joliment foisonnant semblable à la folie d’Alice au Pays des Merveilles. Mais quelle est la destination et le sens de ce voyage ? Faute d’être touché à l’âme, nous sommes débarqués bien vite de ce royaume de la bizarrerie et restons au bord de ce monde qui s’apparente plutôt à une grande exposition esthétique.

Un spectacle déroutant tant ce monde imaginaire reste distant

Sans réel fil dramaturgique et agissant comme un simple - mais ravissant - cabinet de curiosités, l’univers de Lewis versus Alice déroute énormément. Peut-être est-ce ce qu’il faut ressentir pour mieux comprendre tout le décalage de ce drôle de personnage de la société victorienne, vieux garçon maniaque sortant de son chapeau moultes histoires surnaturelles et fantaisistes ? Il nous aura manqué du texte - la plupart des dialogues et des chansons sont en langue anglaise ce qui distance grandement le public malgré la pertinence du choix, il nous aura manqué de la folie - tout paraît trop sage, trop bien arrangé dans ce monde pourtant plus qu’étrange, et il nous aura manqué de l’attachement aux personnages et surtout à Lewis Carroll qui reste une énigme totale, bien protégé dans son monde ici malheureusement insaisissable.

Claire Bonnot

"Lewis versus Alice" de Macha Makeïeff d'après Lewis Carroll

Durée : 2h