"Le Cabaret des absents" de et par François Cervantes : le théâtre des âmes errantes

À voir si : vous avez le cœur passionné

AU FESTIVAL OFF D’AVIGNON 2021
AU 11
à 22H30

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage


“Nous connaissons tous des gens qui n’ont jamais passé la porte d’un théâtre, mais pour qui, pourtant, nous continuons à faire du théâtre”

François Cervantes à propos du Cabaret des Absents


Objet théâtral particulier, “Le Cabaret des Absents” transporte avec lui une nostalgie propre aux populations errantes, terreau de poésie bouleversante. Le théâtre relie ainsi, par un fil ténu, toutes ces âmes de passage… Un spectacle vibrant.

Ils sont six à habiter la scène. Tous de bleu vêtus. On pourrait croire à une apparition. Et ils se mettent à parler, à raconter, à conter. Une histoire toute simple dans laquelle vont se croiser plusieurs personnages aux trajets somme toute plutôt ordinaires. Pourtant, il y réside à chaque fois une sorte de magie. Mais une magie qui ne fait pas disparaître la réalité de la vie. Ce théâtre dans lequel entre le petit garçon aux fraises tagada ou la jeune fille-mère deviendra leur passeport pour des moments suspendus…

Objet spectaculaire non identifié pour émerveillés

Ce spectacle est une fable qui sied si bien aux villes cosmopolites et chargées de mille histoires comme Marseille. Elle a été écrite à partir d’une histoire vraie, incroyablement romanesque : « En 1980, le théâtre du Gymnase a été abandonné, on voulait le détruire, mais une chose étrange est arrivée. Un jour, le Maire, qui voulait construire un site pétrolier sur le littoral, a contacté le directeur de la société “Occidental Petroleum”, un vieux milliardaire américain. À la fin du rendez-vous, l’américain lui a demandé de voir ce théâtre, celui là spécialement. Quand le maire lui a demandé pourquoi, il lui a raconté ceci : Ses parents avaient fui la Russie en 1897, sur un bateau, direction les États-Unis. Le navire avait dû faire escale dans cette ville pour des réparations. Un jour, en se promenant en ville, ils avaient été surpris par un violent orage et ils s’étaient réfugiés sous un balcon. Une jeune femme leur avait ouvert la porte et leur avait proposé d’entrer. C’était ce théâtre. Ils avaient assisté au spectacle et, en rentrant dans la cabine du bateau, ils avaient fait l’amour, elle était tombée enceinte, et l’enfant, c’était lui, le vieux milliardaire américain. Alors il offrait au Maire l’argent pour que ce théâtre soit sauvé. » François Cervantes tire de cette étonnante histoire une symbolique du théâtre comme lieu d’hospitalité, d’émerveillement et de transcendance. Chaque être nommé viendra s’y abreuver d’un peu de fantaisie et oublier, un temps, la dureté de son existence. La porte est constamment ouverte… ouverte sur des numéros d’une féérie étrange, drolatique, poétique. Mentions spéciales au siffleur d’oiseaux, aux clowns hommes et femmes de ménage et au couple de vieux venant souper en direct sur la scène face à un public hilare. Le conte est fabuleusement narré illustrant les vies les plus difficiles avec une poésie d’une humanité rare. On est bien dans une ville sans frontières, au sein d’une humanité métissée où la vie éclôt et se retire en ayant, toujours, rencontré ces instants de joie éphémère… Une vi(ll)e comme lieu de théâtre.

Une troupe qui cache bien son jeu

On pourrait les croiser dans la rue et ne pas se douter qu’ils ont cette faculté de tout enchanter. Ne représentent-ils pas cette partie de l’humanité oubliée que la pièce veut honorer ? Ces milliers de gens croisés aux histoires non contées… Théo Chédeville, Louise Chevillotte, Emmanuel Dariès, Catherine Germain, Sipan Mouradian et Selim Zahrani de la compagnie marseillaise de François Cervantes, L’entreprise, ont cette douceur de ceux qui savent se fondre dans la foule et déployer, avec l’air de ne pas y toucher, leurs dons merveilleux. De leurs gestes vibrants et chorégraphiés, de leurs voix habitées et de leurs tours inattendus se dégagent un parfum de mystère qui rappellent l’impermanence de la vie, entre réalité et magie. Une pièce en forme de communion entre les êtres, visibles ou invisibles…

Claire Bonnot

"Le Cabaret des absents" de François Cervantes, mis en scène par François Cervantes, Compagnie L’Entreprise

Tout public à partir de 12 ans

Durée : 1h45