par Claire Bonnot
J’ai écrit cette année un premier roman. C’était pour le Concours du premier roman jeunesse 2018 Télérama Gallimard Jeunesse. Inévitablement, c’est l’univers tant aimé du théâtre qui m’a inspirée. J’aimerais ainsi vous le dévoiler, ici, sur mon blog APARTÉS, petits bouts par petits bouts, en feuilleton, chaque dimanche soir. Mon amour des planches, mon premier héros de théâtre Cyrano de Bergerac, l’émerveillement propre au monde de l’enfance (mais pas seulement) habitent cette histoire. La voici…
1. Au Paradis
“Il comprit tout de suite ce que voulait dire ce mot. Perchés tout en haut de la grand-salle, les spectateurs du paradis avaient pleine vue sur la scène. Ainsi, au sommet de l’édifice du verbe et du rêve, ils touchaient terre tout en atteignant le ciel.”
Paris, 28 décembre 1897 – Première de Cyrano de Bergerac par Edmond Rostand au Théâtre de la Porte Saint-Martin.
Firmin n’avait pas pu lui faire entendre raison. Lili avait pris sa valise avec lui. En remontant les avenues, assaillies par les calèches et les promeneurs du soir, le grand et le petit gaillard tentaient de se frayer un chemin sur les trottoirs. Marchant d’un pas bien décidé qui ne pouvait masquer une émotion inhabituelle, Lili exultait, intérieurement. Il ne devait et ne voulait rien laisser transparaître. Le bonheur était trop fort, trop beau pour être dit, même à Firmin.
Ce soir, Lili entrerait pour la première fois de sa vie dans un vrai théâtre, un théâtre qui ne bougeait pas de villes en villes, de places de villages en places de villages, un théâtre qui avait droit à des fauteuils confortables, à des balcons aux dorures extraordinaires, et même, comme lui avait dit Firmin la veille au soir, à un paradis.
Un paradis.
Lili en avait eu le souffle coupé tant il pressentait la superbe de ce mot. Il avait tout de suite questionné Firmin sur sa signification mais Firmin n’avait pas répondu, seul un sourire était apparu sur son visage sculpté par le mistral. Alors Lili s’avançait, comme un soleil, confiant.
Ils se trouvaient désormais au 18 boulevard Saint-Martin. L’attroupement était étouffant mais baigné de cette effusion que Lili ressentait à chaque fois que les habitants des villages s’amassaient frénétiquement autour de leur théâtre ambulant. Ce soir, on jouait une toute nouvelle création, lui avait dit Firmin. Lili, sa casquette gavroche lui tombant sur les yeux, avait pris son courage à deux mains pour s’avancer à l’entrée, échappant à la vigilance de Firmin. Se faisant tout petit, zigzaguant entre les spectateurs impatients, Lili cherchait l’affiche. Depuis qu’il avait atteint l’âge de raison, il avait été investi de la mission - « hautement importante » selon Firmin -, de poser les affiches dans les villages où ils jouaient. Ce rêve placardé sur les murs, il en était sûr, faisait instantanément effet. Et il en était le tout premier messager.
- « Cyrano de Bergerac, pièce nouvelle en cinq actes de M. Edmond Rostand », déchiffra-t-il, avec gourmandise. « Cyrano de Bergerac ».
Seules les lèvres de Lili bougeaient, ne laissant sortir aucun son, et sur lesquelles une grande personne avisée aurait pu lire l’objet de sa soudaine fascination. Ce titre avait fait forte impression sur le petit garçon et il opérait son travail de mémorisation intérieure comme il aimait à le faire lorsqu’il rencontrait un mot ou une expression qu’il tenait en haute estime. Une estime du cœur. Lili, du haut de ses sept ans, avait une intelligence émotive. Précoce, il savait écouter les manifestations de son corps et de son esprit, ne sachant pas encore qu’il était ce que l’on appelle un « cœur pur ». Ainsi, avant même qu’il ne le connaisse, Cyrano de Bergerac faisait désormais parti de son imaginaire. Et puis, Lili avait toujours rêvé d’être « de » quelque part. Ce héros - ce ne pouvait qu’en être un - était donc « de » Bergerac. Lili se souvint de ce nom. C’était cette ville dont lui avait parlé Firmin et dans laquelle leur troupe des « Comédiens sublunaires » avait joué Le Bossu de Paul Féval. Lili, encore dans ses langes, interprétait - paraît-il - la petite Aurore de Nevers, libérée des griffes du traître Gonzague et protégée par les bras valeureux du Chevalier de Lagardère.
Si ce monsieur Cyrano était « de » Bergerac, cela voulait-il dire qu’il y avait été trouvé ou qu’il y était né ? Oui, peut-être que ce Cyrano n’était pas vraiment « de » Bergerac ; peut-être avait-il été déposé là, dans ce « de », comme lui, Lili, enfant trouvé dans une valise. Lili aimait à se dire que cette marque d’origine qu’il voyait écrite en grosses lettres sur l’affiche, englobait aussi bien les enfants choyés que les enfants abandonnés. De toute façon, il noterait vite si ce monsieur Cyrano avait une valise. Seule la valise permettrait d’authentifier son acte de naissance.
Lili était rassuré sur cette question qui venait de l’assaillir. Il serra d’une main de propriétaire la poignée en cuir élimé d’une petite valise en osier aux contreforts cloutés.
- Lili ! Lili ! Quelle peur tu m’as faite ! C’est bien la première fois que tu fugues. Tout va bien ? Ne me fais plus jamais ça, mon petit.
Firmin cachait l’affiche de son corps massif et pourtant si gracieux auprès duquel Lili avait toujours puisé force et fragilité. Il suait à grosses gouttes et tentait de reprendre son souffle en triturant sur son éternel foulard rouge qui le serrait sans doute un peu trop au col.
- Eh bien, mon petit ! Et alors ! Tu as perdu ta langue ? Mon cher Lili, il est temps de reprendre tes esprits, ce soir tu entres au T-H-É-Â-T-R-E, le vrai, tu sais. Enfin, le nôtre est pourtant, selon moi, le vrai du vrai, celui qui va au-devant de ceux qui ne peuvent pas entendre ou voir toutes les beautés que la grande ville prodigue si tant est qu’elle n’apporte pas beaucoup plus de laideur... mais enfin, je veux dire par là que ce soir c’est la crème du théâtre à laquelle nous aurons la chance d’assister. Retiens ce nom, Edmond Rostand. Ce petit jeune homme a une façon d’écrire qui te transporte l’âme. La grande Sarah ne jure que par lui, c’est te dire. Sarah, Sarah Bernhardt mon petit, je te raconterai un jour qui elle est.
Lili avait définitivement retouché terre, délaissant sa rêverie pour écouter celui qu’il admirait plus que tout au monde, son « papa de la route », Firmin. Quelle chance il avait d’avoir croisé son chemin. Tout ce que disait Firmin lui donnait envie d’en savoir plus. Tous les mots que prononçait Firmin avaient le don d’entourer Lili d’un monde fascinant.
Firmin, l’attrapant par les épaules, l’entraîna dans le hall, profitant du mouvement d’une partie de la foule qui s’y engouffrait avec avidité, laissant seulement transparaître une mollesse feinte, apparemment plus distinguée. Lili ne voyait rien, seulement les souliers vernis de ces messieurs et les jupons de ces dames que le balancement de la robe laissait légèrement entrevoir. Mais le petit garçon était fait de telle sorte qu’il se mit à imaginer la décoration qui les entourait plutôt que de chercher à la voir et à la toucher. Ce n’est qu’au bout d’un long moment que Firmin et lui purent monter les marches revêtues d’un lourd tapis rouge, celles-là même qui les menaient à leur placement. Firmin joua des coudes et de son imposante stature pour venir les placer aux premières loges. Le jeune âge de Lili semblait attendrir les autres spectateurs qui - pour certains, il faut le dire, avec le sentiment d’un don énorme - lui laissèrent le meilleur point de vue de ce que Firmin lui avait expliqué être le « paradis ». Il comprit tout de suite ce que voulait dire ce mot. Perchés tout en haut de la grand-salle, les spectateurs du paradis avaient pleine vue sur la scène. Ainsi, au sommet de l’édifice du verbe et du rêve, ils touchaient terre tout en atteignant le ciel.
Déjà, le mot - superbe - avait procuré la magie. Ensuite, le cœur de Lili s’y était ouvert. Enfin, les sens en alerte, il avait capté aux quatre coins de cet univers simple et populaire, la moindre manifestation de beauté. Firmin avait préparé Lili à accueillir et à rechercher le merveilleux sans lui divulguer le sens ni la réalité de ce mot, mais en lui permettant de vivre par lui-même l’expérience du « paradis ». Le saltimbanque avait offert à son « petit garçon de la route » le plus beau des cadeaux : celui de l’éveil des sens et de la possibilité d’émerveillement à toute épreuve.
Lili s’était accoudé au balcon et Firmin barrait de son corps majestueux quiconque aurait l’audace de déranger son protégé. C’est que l’animation était vive, les places assises inexistantes et la pratique de la bousculade recommandée.
- Tu y vois bien d’ici, Lili ? Il faut que tu y voies mais surtout que tu entendes, hein ! Ils ont intérêt à rabattre leur caquet tous ces funambules rêveurs... Ah je les aime bien tu sais mon petit, et puis tu les connais toi aussi ceux qui se pressent, se poussent, se bagarrent un peu pour venir entendre les histoires, voir les comédiens... mais les Parisiens je ne les connais plus et gare à celui ou celle qui osera faire entendre sa voix quand celle du grand Rostand, dans un instant, montera jusqu’à nous. Le théâtre, c’est sacré. L’écoute, il n’y a rien de tel. Allons, allons, préparons-nous, va.
Lili se dit alors que s’il devait bien voir, il fallait qu’il ouvre grand ses yeux. Se tenant très droit, ses petits bras - couverts par son paletot bleu qu’il utilisait pour jouer Gavroche dans Les Misérables - enserrant sa valise, Lili planta son regard vert dans le décor en contrebas. Il jubilait. Tout ce qu’il voyait en rêve lorsque sa troupe des « Comédiens sublunaires » préparait la représentation du soir avec trois planches, une tenture et moult accessoires, était sur scène: des escaliers en bois, des balcons, une fresque peinte gigantesque, des lustres aux mille bougies et un rideau rouge, plissé, lourd, superbe - comme venait de s’extasier Firmin alors qu’il s’ouvrait majestueusement, dévoilant la première scène. Les trois coups avaient retenti et un silence total leur répondit. Lili sentit son cœur et son ventre se serrer. Il ne pouvait plus parler. Personne autour de lui ne le pouvait plus. Chacun retenait son souffle ou n’était-ce pas quelque esprit flottant qui avait ravi leur souffle aux spectateurs haletants ?
- Holà ! vos quinze sols !
- J’entre gratis !
- Pourquoi ?
- Je suis chevau-léger de la maison du Roi !
- Vous ?
- Je ne paye pas !
- Mais...
- Je suis mousquetaire.
Les yeux de Lili était déjà tout ronds. Un véritable tourbillon s’était emparé des planches tour à tour recouvertes de drôles de personnages. Des pages, un bourgeois, un garde, un chapardeur...
- Que va-t-on nous jouer ?
- Clorise.
- De qui est-ce ?
On était au théâtre. Une pièce allait se jouer. Lili était au théâtre en train de regarder d’autres Lili, comme lui, aller au théâtre. C’était fou. Lili se perdrait donc deux fois plus dans le rêve que prévu. Adieu le réel. C’était trop doux.
- Et le théâtre ! Vous l’aimez ?
- Je l’idolâtre.
Lili venait d’entendre très distinctement cette réplique. Tout allait tellement vite qu’entre ses yeux qu’il devait garder grands ouverts et ses oreilles perchées dans les cieux qu’il devait tendre vers la terre, certains passages lui échappaient à son grand regret. D’autres, au contraire, lui parvenaient parfaitement mais plus encore, droit au cœur.
- Ah ! c’est le plus exquis des êtres sublunaires !
Lili sentit un éclair dans son ventre et se retourna.
- Firmin ! C’est nous, on parle de nous !
Indiquant à Lili de se taire, Firmin lui offrit son plus beau sourire et bomba le torse. C’était une belle idée que d’avoir qualifié ses comédiens d’êtres « sublunaires ». Si Edmond Rostand employait ce mot, c’est qu’il devait être bien beau. Et il l’était. Tout ce qui avait un caractère humain l’était. Tout ce qui faisait référence à la Lune l’était. Ce fut la toute première histoire que Firmin raconta à Lili lorsqu’il le trouva un soir de départ, si petit, dans une valise posée en bord de route. C’était au clair de lune. Un rayon s’était comme déposé sur cet enfant abandonné et c’est ainsi qu’il avait pu voir le bébé. Le « petit garçon de la route » fut baptisé par la Lune faisant de lui le plus lunaire des êtres sublunaires.
- Il faudra que je lui raconte à nouveau qu’il est un enfant de la Lune, se dit Firmin, soudain empli de ferveur.
- Coquin, ne t’ai-je pas interdit pour un mois ?
Cette voix, pensa Lili, se touchant le cœur.
- Roi des pitres, Hors de scène à l’instant !
(...)
- Tu récalcitres ?
Stupeur au Paradis.
- Sortez !
(...)
- Ah ! je vais me fâcher !...
Surgit alors un monumental animal, sabre et moustache au clair, duquel se détachait nettement un grand... nez. Son feutre à plume en bataille, le personnage fit une entrée phénoménale. Lili était tourneboulé. Firmin de même. Le Paradis, rien moins qu’estomaqué.
- Que Montfleury s’en aille,
Ou bien je l’essorille et le désentripaille !
Soudain, le paradis s’agita et se mêla aux voix des Marquis qui tentaient, sur scène, de sauver ce Montfleury. Quel était donc ce fâcheux qui venait gâter la fête, semblait tonner le dernier balcon ? Firmin ordonna à tout le monde de se taire.
- Le théâtre, c’est sacré. Écoutez donc, voyons...
Firmin ne croyait pas si bien dire, le fâcheux - Cyrano de Bergerac lui-même - fâcha instantanément ces fâcheux ...
- Je vous ordonne de vous taire !
Et j’adresse un défi collectif au parterre ! — J’inscris les noms ! — Approchez-vous, jeunes héros !
Chacun son tour ! Je vais donner des numéros !
— Allons, quel est celui qui veut ouvrir la liste ?
Vous, Monsieur ? Non ! Vous ? Non ! Le premier duelliste,
Je l’expédie avec les honneurs qu’on lui doit !
— Que tous ceux qui veulent mourir lèvent le doigt.
On retint son souffle et ses révolutionnaires ardeurs. Edmond Rostand avait, en quelques vers, mis le public à terre. Cyrano parlait et le Paradis écoutait.
- Ces grands airs arrogants !
Un hobereau qui... qui... n’a même pas de gants !
Et qui sort sans rubans, sans bouffettes, sans ganses !
- (Cyrano) Moi, c’est moralement que j’ai mes élégances.
Je ne m’attife pas ainsi qu’un freluquet,
Applaudissements de la salle, hurlements de hourra du Paradis.
- (Cyrano) « Ballade du duel qu’en l’hôtel bourguignon, Monsieur de Bergerac eut avec un bélître ! »
- Qu’est-ce que ça, s’il vous plaît ?
- (Cyrano) C’est le titre.
Lili prit la main de Firmin comme pour se préparer à ce duel d’hommes qu’il avait souvent rencontré dans les pièces de cape et d’épée qu’ils jouaient sur les routes, et qu’il n’avait jamais réellement apprécié.
- (Cyrano) Je jette avec grâce mon feutre,
Je fais lentement l’abandon,
Du grand manteau qui me calfeutre,
Et je tire mon espadon ;
Élégant comme Céladon,
Agile comme Scaramouche.
C’était autre chose ici. L’épée n’était pas le but de ce face-à-face meurtrier. Les mots étaient trop beaux, coulaient si bien, étreignaient Lili d’un sentiment si doux qu’ils ne pouvaient rien avoir à faire avec le sang. Ce monsieur Cyrano, tonitruant, immense, bretteur et grand esprit n’avait que faire du duel. Il voulait dire de belles choses. Ah ! Lili respira et lâcha la main de Firmin. Il était heureux mais heureux. C’était la toute première fois qu’il voyait et entendait un homme jouer de son épée non pas pour faire le beau mais pour rendre les mots beaux. Lili n’avait-il pas entendu le mot « poète » ? Celui-ci, c’était un de ceux que Firmin lui avait transmis très tôt. Lili l’avait très vite mis dans sa valise.
Bringuebalé de villages en villages, assis à l’avant d’une roulotte aux côtés de Firmin, le petit Lili avait appris la vie sur les routes mais pas n’importe lesquelles. Celles des saltimbanques, des rêveurs, des magiciens, des mimes, des conteurs. Firmin ne cessait de lui raconter des histoires. Certains diraient que c’était pour tromper l’ennui des longues traversées en roulottes, tirées par des chevaux fatigués, mais ce n’était pas du tout ça. Firmin avait créé le théâtre itinérant. Il déplaçait la langue de Molière, les extravagances de Shakespeare, le rocambolesque de Féval et le romanesque de Hugo dans une cohorte de caravanes ambulantes. Sa propre vie était dans ces histoires et chaque voyage était l’occasion de réapprendre son texte ou de poursuivre une nouvelle aventure en mots et en imaginaire. Avec un petit être pour compagnon de vie et de voyage, le conte n’en était alors que plus fabuleux.
Comédien fait homme, Firmin avait joué sa vie sur les planches. Il était devenu Jean Valjean, Henri de Lagardère, Hamlet ou Alceste. Sa virilité n’était jamais venue à bout de sa pudeur et son incarnation dans la vie réelle n’avait toujours créée que des courants d’air. Il en résulta que le mot « papa » ne lui fut pas destiné. Alors, quand sa route adorée lui offrit un petit garçon, il sut qu’un seul mot devait lier leur destinée à jamais : poète. Oui, si Firmin ne devait avoir ne serait-ce qu’un lien avec ce bébé, il viendrait des mots car Firmin leur devait tout et il savait que c’était tout ce qu’il avait à offrir (et c’était grand). Il serait le « poète » pour son petit de la route avant que celui-ci ne le devienne à son tour. À l’âge de trois ans, Lili avait ainsi confié ce mot à sa valise :
- Po...ète : c’est mon Firmin de la route, le grand qui ne protège pas que Lili mais tout le monde. Il regarde tout le monde, il est là mais pas vraiment là, dans les nuages aussi. Moi quand je suis avec lui, c’est comme un rêve avec des gentils et pas de méchants. Et avec mon Firmin de la route, je dis plein de mots et mon cœur bat fort.
- (Cyrano) J’ai décidé d’être admirable, en tout, pour tout !
Firmin serra Lili aux épaules.
- C’est ça, c’est exactement ça ! Souviens-toi de ça, Lili, et suis-en les pas...
Lili se retourna, Firmin avait le visage transporté et les yeux embués.
- Tu pleures ?
- (Cyrano) Ah ! non, cela, jamais ! Non, ce serait trop laid,
Si le long de ce nez une larme coulait !
Firmin se moucha bruyamment, le Paradis lui ordonna de faire moins de bruit. Lili comprit que ce monsieur Cyrano, si grand et si courageux, pleurait de n’être pas aimé. Il lui aurait ouvert ses bras s’il lui avait demandé. Il était interdit de faire pleurer une grande personne qui donnait tant de beauté. Et pourtant, Firmin pleurait lui-aussi. Lili lui prit la main et la serra très fort. Firmin sut que son « petit de la route » avait le cœur le plus pur qui soit et il remercia Rostand de susciter tant de délicatesse. Le rideau se ferma.
- La suite, la suite, cria le public.
Même en contrebas, sur les fauteuils d’orchestre, l’excitation était à son comble.
Le lourd rideau se déploya à nouveau…
Claire Bonnot
… To be continued
*J’ai pris la liberté de mêler aux aventures de mon petit héros, Lili, l’œuvre majeure de Edmond Rostand, la pièce “Cyrano de Bergerac”, dont de larges extraits sont cités, d’après le texte de la pièce datant de 1897.